DEMAIN... VU PAR NATHALIE PALLADITCHEFF - Burgundy School Of Business

DEMAIN… VU PAR NATHALIE PALLADITCHEFF

Alumni BSB’91, Présidente et Cheffe de la Direction chez Ivanhoé Cambridge

Nathalie Palladitcheff est diplômée de la promotion 1991 de BSB. Elle est actuellement Présidente et Cheffe de la Direction chez Ivanhoé Cambridge, à Montréal (Canada). Fondée au Québec en 1953, Ivanhoé Cambridge développe et investit dans des propriétés, des projets et des sociétés immobilières à travers toute la planète. Nathalie Palladitcheff nous parle ici de son parcours, du CEO moderne, de culture d’entreprise, d’un monde où RSE et ESG auraient disparus ou encore des transformations de son secteur, accélérées par l’épisode Covid-19.

Nathalie Palladitchef

“Je garde un excellent souvenir des trois ans que j’ai passés à Dijon. Je le dis souvent: j’y ai été très bien formée, acquérant une très solide base technique en finance, comptabilité, droit, fiscalité, qui a fait toute la différence pour le début de ma carrière. Je suis très reconnaissante envers cette institution qui s’appelait à l’époque ESC Dijon, et je garde encore des souvenirs émus des cours d’Odile Dendon, une professeure qui m’a donné confiance dans le fait de maitriser un sujet.

A l’époque, je voulais être une experte, et j’ai été embauchée en cabinet d’audit avant même l’obtention de mon diplôme. Cela est d’ailleurs une constante dans ma carrière: en 30 ans, je n’ai jamais cherché de travail, on est toujours venu me solliciter. Il y a certes une question d’époque, mais cette solidité technique, au-delà des compétences et du passeport qu’elle constitue, m’a permis de tenter plein des choses tout au long de mon parcours.

Je retiens aussi l’ouverture d’esprit que m’a apportée la formation. Une grande école de management, c’est comme une auberge espagnole: on y prend ce qu’on y trouve. Et j’y ai trouvé beaucoup de choses en plus des enseignements: de la diversité, des expériences enrichissantes… Cela a été très important pour moi, et en particulier pour le poste de CEO que j’occupe aujourd’hui, car un dirigeant doit être quelqu’un de curieux, humble, capable de poser des questions sans avoir forcément les réponses. Sous cet angle je vois bien que mes yeux ne sont pas les mêmes que ceux des générations précédentes.

A l’époque il n’y avait aucun cours de RSE ou autre. Pourtant aujourd’hui, c’est ce que je fais au quotidien. Je suis persuadée que les actes durables sont les actes rentables – et a fortiori dans l’industrie immobilière au sein de laquelle j’évolue! Il est absolument nécessaire de produire dans une logique de durabilité; demain, ce sera le strict minimum.

La fin du CEO omnipotent

Avant, l’Europe était en avance sur cette question; maintenant, on voit partout l’émergence des dimensions sociale, environnementale et de gouvernance. Elles deviennent la clé de la performance qu’on construit pour le futur. Cette évolution confirme que nous passons par une phase où l’expertise n’est plus si importante. Ce qui compte pour un CEO, c’est de mettre en place les connections, les réseaux qui vont marcher. D’avoir une méthode pour organiser ce qu’on ne sait pas.

Pour moi c’est en cela qu’une école comme BSB forme les CEO de demain. Il ne faut pas formater les gens avec des certitudes, leur dire qu’ils ont raison et qu’il faut telle ou telle chose dans leur parcours. Les nouveaux profils de dirigeants sont très différents du passé. Au-delà des compétences techniques, il faut cette humilité de savoir que l’on ne sait pas tout et de s’organiser en fonction de ça. Il n’y a plus de place pour un CEO omnipotent, qui sait tout. Ce temps est révolu.

La vraie réussite est de trouver ce qui est le mieux à un moment donné. Rien ne doit être tracé d’avance, il ne sert à rien de se projeter à 20 ans. On obtient beaucoup plus de satisfaction en laissant la place à ce qu’on ne sait pas et ce qui n’existe pas encore. Pour ma part c’est ce que je retire de mon expérience: je trouve de la cohérence dans mon parcours par ce cheminement par étapes, d’entreprise en entreprise, en ayant fait les choses parce que c’était le moment et non parce que c’était programmé.

Regardez: on a beau faire toutes les projections du monde, à part Bill Gates, personne n’avait prévu une crise comme celle du Covid-19! Celle-ci ne fait que confirmer qu’il ne faut pas faire les choses en réaction: il faut faire les choses, les bonnes choses, parce qu’elles le doivent – sinon on ne se prépare pas pour la prochaine crise. L’idée n’est pas de juste répondre à la crise actuelle, mais d’en tirer aussi des enseignements durables et de faire du prospectif.

RSE et ESG, la bonne utilisation du capital

Il faut avoir la force et le courage dans la politique ESG – Environnementale, Sociale et de Gouvernance – de préparer les futures crises. Et allons même plus loin: il faudrait quasiment que les mots “RSE” et “ESG” aient disparus. Je veux dire: le jour où ils auront disparu, cela voudra dire que ce qu’ils revêtent est intégré, qu’ils sont juste un poumon nécessaire et naturel de l’entreprise. Je dis souvent que quand on construit un immeuble, on ne se demande pas s’il y aura l’électricité: c’est un présupposé. De même, RSE et ESG doivent devenir standards.

Cette réflexion, je l’ai développée car plus j’ai progressé dans ma vie professionnelle, plus j’ai eu un niveau de responsabilité élevé, plus j’ai pris conscience que ces dimensions étaient les plus fondamentales. Cette réflexion est intimement liée à mon propre parcours, bien plus qu’à une tendance actuelle.

A Ivanhoé Cambridge, on se considère comme militant. Nous tenons absolument à ce que RSE et ESG soient une partie intégrante de la culture des équipes, il faut que ça devienne inconscient. Je considère même que c’est l’objectif principal de mon mandat. Il n’y a pas d’obligation de résultat mais une obligation de moyen. Et cela est d’autant plus impérieux que nous sommes dans le monde immobilier: les gens vivent dans nos constructions.

Soyons clairs: je n’y mets pas de philosophie, mais pour moi c’est de la performance que l’on fabrique sur le long terme. Ivanhoé Cambridge, c’est 30 milliards d’euros de capital: la RSE et l’ESG, c’est tout simplement la bonne utilisation du capital. Lorsque j’ai pris mes fonctions en octobre dernier, nous avons regardé les tendances, et sur cette base, on a vu qu’il était nécessaire d’intégrer ce pilier significatif à notre plan stratégique.

Influence et place de la femme

Ainsi tout ce qu’on fait doit être passé au filtre RSE/ESG. Quand on construit un immeuble, aucun aspect du projet n’y échappe. Et je dois dire que je suis frappée par le degré d’adhésion en interne, comment les gens s’approprient cela. Et comment cela diffuse aussi au-delà de nos murs. Par exemple nous avons accueilli 25 stagiaires en avril, malgré le confinement, et nous avons pu mesurer que pour ces jeunes le choix de se diriger vers nous s’était beaucoup fait sur cette dimension.

Cela rejoint le deuxième volet de mon ambition: qu’Ivanhoé Cambridge soit influent. Notre institution est très connue dans le monde de l’immobilier – elle est quatrième dans le monde au niveau des actifs. Plus l’entreprise est montrée en exemple sur ces sujets, plus cela a un effet de contagion sur nos pairs. J’aime cette idée d’avoir de l’influence de cette manière, de générer cette émulation. Il y a un côté plaisant d’être à l’avant de ces tendances qui vont se généraliser. Car au bout des choses, tout le monde aura gagné.

Mon autre combat, peut-être plus personnel, est celui des femmes. Je n’ai jamais souffert d’être une femme professionnellement, mais aujourd’hui à mon poste je me suis rendu compte que le sujet de la place de la femme n’était pas du tout réglé. Pour faire simple: il n’y en pas beaucoup et ce sont toujours les mêmes! Je ne me considère pas féministe, il ne s’agit pas d’avoir des femmes pour avoir des femmes. Mais je suis pour la diversité. En gouvernance, on voit à quelle point la place des femmes contribue fortement à la performance. Malheureusement l’évolution vers la parité est très lente…

Le Covid-19 accélérateur de réalité

Cet épisode du Covid-19 est une période accélérée des tendances: on assiste à une évolution du commerce, des pratiques de travail – avec plus de souplesse, moins de transport en commun, une transformation des bureaux, etc. Dans notre industrie, pas de grande surprise à relever, tout va simplement beaucoup plus vite.

En fait cette période renforce nos convictions. Nous vivons une transformation du secteur comme on n’en a pas connu depuis la Deuxième Guerre Mondiale, les évolutions sont exacerbées par la crise actuelle et cette réalité accélérée conforte notre positionnement.

Les trois quarts des actifs d’Ivanhoé Cambridge se situent hors du Canada, et nous adoptons toujours une approche sociologique et culturelle pour nos projets selon les localisations géographiques. Notre crédo, c’est “Investir globalement, agir localement”, et cela prend d’autant plus de force aujourd’hui. L’immobilier doit se faire en réponse à des besoins locaux. Et oui, cet épisode interroge sur une forme de déglobalisation.

Historiquement, notre portefeuille était beaucoup axé sur le bureau mais il avait déjà évolué ces dernières années. Nous avions déjà en tête ce mouvement structurel donc nous ne sommes pas déconcertés par sa prise de vitesse, il était anticipé. Il faut bien voir une chose: c’est la flexibilité qui est le plus important. Il y aura toujours des bureaux; cette classe d’actifs ne va pas disparaitre mais va fortement évoluer.

Nous vivons comme une révolution en action. Les lieux évoluent, les immeubles évoluent, et une sélection naturelle se fait entre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C’est un constat qui vaut pour toutes les crises, pas seulement celle du Covid-19. Souvenez-vous par exemple comment le SRAS avait été l’accélérateur du e-commerce en Asie au début des années 2000. Il y a une manière optimiste d’envisager ces épisodes, car il va sortir des choses intéressantes et durables de celui que nous connaissons en ce moment.”

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